mardi 31 mars 2009

Mme Piques

En rentrant du travail, je rencontre ma voisine excentrique du premier étage. Il est 13 heures et elle vient sans doute de se réveiller comme en témoignent ses yeux encore un peu collés et sa coiffure approximative. Elle m'interpelle : « bonjour madame et excusez ma coiffure Louis XIV, j'ai voulu me crêper les cheveux mais j'ai changé d'avis à la moitié de la tête et je n'arrive plus à les décrêper ». Elle a en effet près de 30 cm de hauteur de cheveux à la Amy Winehouse, mais que d'un côté. On dirait une folle. Je souris et ça l'encourage à continuer avec sa voix de petite fille bien élevée « êtes-vous au courant de ce qui arrive à ma voisine de palier? Elle ne part plus travailler et porte une perruque, elle doit être malade mais je n'ose pas lui proposer mon aide ».

J'ai été informée par ma voisine pipelette du 3ème mais reste discrète et lui suggère de glisser un petit mot dans la boîte à lettres de sa voisine de palier. Elle me répond d'un air tout triste : « oh mais je n'oserai jamais, je vais continuer à caresser le mur qui sépare nos appartements pour lui envoyer mes pensées ».

Mme Piques a environ 60 ans, elle est très grande, elle a de grands yeux très verts, un gros chien tout galeux plein de pansements, elle sent très mauvais mais elle est très gentille.

lundi 30 mars 2009

J'ai longtemps cru le contraire, bête comme je suis, et vous avez sûrement remarqué avant moi que les mots peuvent sembler dire une chose et en réalité en exprimer une autre.
On peut les dire pour les raisons les plus diverses : parce qu’ils sont jolis, parce qu’ils font plaisir, pour flatter, pour convaincre, pour obtenir quelque chose. On peut les dire sans leur accorder aucune importance, même des mots essentiels comme : « je ne te ferai jamais de mal », « fais-moi confiance » ou « je t'aime ».

Ces mêmes personnes douées pour l'enthousiasme, l'exaltation romantique ou d'autres sentiments exacerbés ... vous abreuveront un jour de colère, d'injures, de haine et de menaces.

dimanche 29 mars 2009

Vous occupez un emploi stable dans un consulat depuis 27 ans. Votre travail ne vous a pas trop fatigué et le matin, dans le grand miroir de votre entrée, vous trouvez que vous portez beau votre cinquantaine bien tassée. Il faut dire que vous taillez votre bouc argenté poil par poil et que vous choisissez vos costumes avec application. Vous étrennez aujourd’hui un ramani anthracite, col mao, du plus bel effet sur chemise claire et teint mat.

Votre fonction consiste à assister vos compatriotes exilés dans les démarches administratives relatives à leur nationalité, autant dire : une tâche fastidieuse, répétitive et poussiéreuse de gratte-papier. Derrière votre comptoir avec hygiaphone, vous délivrez passeports, cartes d’identités et autorisations diverses comme un seigneur dispenserait des faveurs. Avec une condescendance sévère ou cordiale, suivant le client, mais toujours un peu du mépris de l’initié.


Vous travaillez là « par relations » comme on dit, ou plutôt par relations de votre père, avec pour seule compétence la langue que vous parlez. Vous faites l’objet d’une totale indifférence de la part de vos supérieurs ou collègues ; jamais on ne vous consulte pour un avis, on vous évite à l’heure du déjeuner et vous apprenez le mariage de la fille de l’un ou de l’autre des mois plus tard. Vous avez fini par développer votre sens des relations uniquement en direction des clients, et vous leur faites payer vos années d’humiliations.


Vous prenez des poses avantageuses : calé au fond de votre fauteuil derrière le comptoir, les jambes haut croisées et écartées pour un air décontracté, votre veste de costume avec le col bien ajusté, vous choisissez vos mots avec soin et articulez avec précision, comme vous pensez que le ferait un aristocrate. Vous dispensez en prenant des airs de conspirateurs et au compte-gouttes des informations graves et erronées, dans le but de vous donner de l’importance.


Malheureusement pour vous, on ne sait quoi dans votre désinvolture laisse penser que si un de vos supérieurs entrait à ce moment, vous reprendriez d’un sursaut la position qui sied à votre fonction, de respect et attention envers votre interlocuteur. Il est presque palpable que vous guettez un bruit de pas derrière la porte.


Vous aimeriez que votre client vous sollicite comme un allié précieux qui possèderait les arcanes d’un monde obscur. Mais, alors que vous faites tout pour qu’il se sente tout petit et dépendant de vous, votre client remarque que vous ne décrochez pas le téléphone qui sonne. Il en déduit qu’il est sans doute votre seule occasion de la journée de ne pas vous sentir vain et creux.


Avec de la chance, il se contentera de sourire et d’être content de ne pas être à votre place.

vendredi 27 mars 2009

Ce matin, dans le métro, c'est la première fois que ça m'arrive, un jeune homme s'est levé et m'a cédé sa place : « asseyez-vous madame ». Je me suis approchée en boîtant légèrement. Je le jure, je n'ai pas fait exprès, c'est mon corps qui a décidé tout seul, genre : j'accepte parce que je suis blessée, pas parce que je suis vieille.

J'ai réussi à remercier le jeune homme, et comme il descendait à la même station que moi, je l'ai laissé filer pendant que je quittais la rame tout doucement, comme il convient à une vieille dame un peu bancale.

jeudi 26 mars 2009

Qu'est-ce qui donne à cette fille une telle tête à claques ? Son menton en galoche ? Ses yeux chafouins ? Ses ricanements vulgaires ? Son accent de marquise-poissonnière ? Son teint brouillé d'esthéticienne mature? Son sourire entendu d'initiée (on se demande bien à quoi)? Ses interventions à l'emporte-pièce et à contre-sens avec cette voix nasillarde ? Ses tailleurs d'executive-woman sur ses chevilles épaisses ?

Elle constitue en tout cas une distraction bienvenue pendant cette réunion sans queue ni tête alors essayez de lui en être reconnaissante et de retenir les réparties grinçantes qui vous montent aux lèvres pour qu'elle se taise enfin.

Remerciez-la intérieurement de vous fournir une occasion de faire preuve de self-control. Remerciez-la de vous fournir matière à écrire ce charmant petit portrait.


Vous êtes tombée sur un encart de magazine féminin intitulé : les bienfaits de la méditation. Excitée de nature (et même très excitée), vous vous endormez comme une marmotte, pas comme un bébé dont le sommeil est plus aléatoire, vous c'est du garanti : dès que vous vous posez sur un endroit relaxant vous vous endormez. L'avancée en âge vous rend prudente face à l'avenir : qui veut aller loin ménage sa monture. Et comme il vous arrive depuis quelque temps d'être effrayée par des palpitations et des insomnies, vous décidez de profiter de votre semaine de congé pour apprendre à vous relaxer par la méditation.

Ca va être difficile vous dit-on en introduction, et si vous n'arrivez pas à tenir les 20 minutes nécessaires pour une séance profitable, vous pouvez commencer par la moitié.

Il s'agit de trouver un endroit calme, agréable et une position confortable. Vous écartez l'assise en tailleur ou la position du lotus et installez votre pouf préféré dans un coin ensoleillé de votre salon.

Fermez les yeux. Il vous faut écarter toutes les pensées, sans les fuir activement mais les laisser passer à la manière des nuages dans le ciel. Concentrez-vous sur votre respiration. Entendez les bruits lointains.

Heureusement que vous êtes prévenue que ça va être difficile, essayez de tenir 10 minutes. Ne penser à rien est facile, sauf qu'on peut se demander si penser à sa respiration c'est ne penser à rien. C'est quoi rien, d'abord. Mince, ne pas se poser de question, penser à rien, tiens penser au mot « rien », mais c'est encore penser. Vous vous endormiriez bien, là, n'est-ce pas ? Non, ne pas s'endormir, les nuages passent dans le ciel, se concentrer sur sa respiration. Mince, à force de vous concentrer sur rien, vous avez oublié de respirer, ouf, ça fait du bien. Laisser la respiration fluide, comptez 4 sur l'inspiration et 6 sur l'expiration, c'est écrit dans le manuel. Oh purée, mais c'est super angoissant, vos narines y mettent de la mauvaise volonté et se mettent à siffler. Vous avez l'impression que si vous arrêtez de vous forcer à respirer vous allez arrêter. Catastrophe, votre fille va vous trouver évanouie, voire morte, sur la moquette en rentrant. Alors là, ce n'est plus possible, vous ouvrez les yeux, regardez la pendule en espérant que 10 minutes se sont écoulées.


Vous aurez en tout cas appris qu'une tentative de relaxation par la méditation étire le temps d'une manière insensée et magique : vous avez tenu une minute et demie.

mercredi 25 mars 2009

Steve McQueen le dégommerait d'un coup de revolver

Bruce Lee d'un coup de latte

et Clint Eastwood d'un seul regard

Titi s'envolerait

Jerry et Bip-Bip détaleraient dans un nuage de poussière ...


Et vous êtes là, sans réaction, comme Oui Oui, ce gros bêta.