vendredi 17 avril 2009

Déboires

Vous êtes collègues depuis presque 15 ans. Il est plutôt sympa et depuis ces cinq dernières années, vous avez de bonnes relations, allant jusqu'à faire front ensemble dans l'adversité.

Il est en congé depuis 15 jours quand on vient vous chercher à la machine à café : viens vite, X veut te parler au téléphone et apparemment il est très mal : "Enferme-toi dans le bureau, je voudrais te parler. Tu es bien seule ? (il se met à sangloter), il arrive une catastrophe (sanglots), Arielle me quitte"

Arielle c'est sa femme. Vous étiez loin d'imaginer être assez intime pour partager sa rupture conjugale. Il vous dit qu'il a besoin de vous voir. Vous lui proposez de venir au bureau ou d'aller boire un coup au bistrot du coin. Il vous répond que dans l'état où il est, s'il prend la voiture il va se prendre un platane. Vous êtes gentille, c'est le mois de juillet, il n'y a pas trop de boulot ... et mettez 1 heure à atteindre sa banlieue. Quand vous finissez par trouver, il vous attend sur le trottoir, monte dans la voiture et vous dirige vers le parc de La Ramée tout proche. Il a plutôt bonne mine et a perdu au moins 5 kilos de ventre.

Il vous fait garer à l'ombre et vous dit que les gens vont penser que vous êtes un couple illégitime. Ce crétin ne vous a quand même pas fait venir pour tester son pouvoir de séduction... Vous le regardez d'un air méchant mais comme il a l'air au bord des larmes, vous répondez juste qu'à être là, autant marcher un peu. Il marche à côté de vous et comme il ne dit rien et que vous n'avez pas envie d'y passer trois heures, vous lui demandez si Arielle est vraiment partie. Il ne répond pas tout de suite.

A ce moment vous arrivez à la hauteur d'un petit pont, il s'y accoude, regarde l'eau sale qui s'écoule dessous (en 2 heures vous y verrez passer 4 rats et 1 écrevisse vivants et un gros animal mort genre chien, ragondin ou raton laveur). Il parle sans vous regarder : « Tu ne sais pas tout de moi, il y a une chose que tu ignores et c'est que je bois ».

Vous avalez votre salive et les mots qui vont avec, à savoir que ni vous ni personne autour de lui ne peut ignorer qu'il boit. Il arrive parfois assez éméché au boulot, sale, puant et affecté vraisemblablement par un eczéma sévère au niveau de ses organes génitaux.

Vous le laissez continuer, concentrée sur les animaux divers qui traversent le ruisseau. Vous n'écoutez qu'à moitié les phrases qui suivent, les éternels propos désespérés des conjoints délaissés, alternant reproches et culpabilité. D'un naturel compatissant, vous êtes triste pour lui mais quand il commence à se répéter, vous décidez d'abréger et lui demandez ce que vous pouvez faire. Il vous répond que sa femme vous ressemble beaucoup et que vous devez être bien placée pour lui donner des conseils de «reconquête».

Tout d'un coup, le bruit caractéristique d’une machine à sous tinte à vos oreilles : vous gagnez 1000 points pour le paradis. En effet, vous parvenez à avaler encore une fois les propos agressifs qui vous montent à la gorge.

En le redéposant devant son portail, vous croisez une de ses voisines à qui il dit d'un air guilleret, comme s'il ne venait pas de passer deux heures à pleurnicher : « c'est ma collègue, t'as vu, ils viennent me chercher pendant les vacances ».

Vous gardez la nausée au bord des lèvres pendant 2 heures.

3 commentaires:

Anonymous a dit…

enorme mamam!!!enoooorme
C.

barnioc a dit…

énorme, ça veut dire que ça te plaît ou quoi ?

Anonymous a dit…

ben oui gniii