mercredi 3 juin 2009

Excuses

En décrochant votre téléphone, vous entendez d’emblée l’irritation du monstre. Il vous cherche noise, s'empare du prétexte le plus anodin et fait preuve d'une parfaite mauvaise foi. Vous allez chercher très profond en vous les ressources qui vous permettront de ne laisser transparaître aucune ironie, aucune impatience. Pour le cas qu’il en a fait, si vous aviez su, vous lui auriez dit d'emblée «c’est exprès pour vous emmerder».

Ce n'est pas possible, avez-vous pensé tout haut ? Pourquoi se met-il à hurler : tu te fous de ma gueule, de toutes façons, je peux rien te dire … tu te rends pas compte de l’incidence d’une telle erreur … et crescendo jusqu’à vous raccrocher au nez.

Un crocodile serre votre estomac, vous cherchez à comprendre mais pas le temps, votre téléphone sonne à nouveau. Le monstre a trouvé qu’il avait raccroché trop vite, sans avoir eu le temps de vomir assez de couleuvres et il vous ressert ce qu’il hurle à chaque fois à l'un ou à l'autre.

Depuis quelques temps, vous n'arrivez plus à réagir à cette agressivité par un silence total. Et vous savez par expérience qu’il ne va pas cesser de répéter la même chose, il lui est arrivé de vous appeler 10 à 15 fois dans la même journée. Vous prenez le crocodile par les crocs et lui dites de cesser de vous prendre pour une conne (reprenant son expression) lui demandez si ce qu’il veut c’est vous entendre dire d'une voix niaise « oh, mille excuses M. Le PDG, de vous avoir fait lire deux fois le même document … » et ça le fait disjoncter, il ne sait plus ce qu’il dit, le ton monte encore plus et il manque d'arguments, ce qui donne : me fais pas chier, j’ai mal au dos, etc.

Un instant vous cherchez ce qui pourrait le faire disjoncter vraiment, genre infarctus ou AVC et vous apprêtez à lui dire que si ça lui chante, il peut se mettre le document dans son gros cul plein d’hémorroïdes (il lui est arrivé de vous faire ce genre de confidences, beurk), mais il a du le sentir et vous raccroche au nez.

Vous décidez de ne plus décrocher le téléphone, et quand il rappelle (5 ou 6 fois en une heure), vos collègues vous disent aux toilettes, au téléphone, à la photocopieuse. Il demande que vous le rappeliez, vous n’en faites rien. Lors de son dernier appel, une de vos collègues particulièrement courageuse lui dit enfin que vous refusez de prendre le téléphone. Vous l’entendez hurler votre manque de respect pour lui, le PDG, puis il insiste : passe-la moi, dis-lui au moins que je veux m’excuser. Vous n’en croyez rien, alors vous continuez à refuser de lui parler, en espérant que ses excuses lui resteront longtemps en travers de la gorge.

Quelques jours ou trois mois plus tard (ça dépend du temps qu'il a mis à digérer ses excuses), il rappelle une de vos collègues pour mettre au point un repas de réconciliation, pendant lequel il lui est déjà arrivé de verser quelques larmes (sisi c'est vrai, je le jure).

Ce genre de scène se reproduit régulièrement, avec différentes poulettes, c'est dingue quand on y pense.

7 commentaires:

Pedro a dit…

j´ai lû ton histoire du téléphone avec le PDG. Dis moi quand on le peut le retrouver dans la rue et je ferai un voyage pour lui casser les deux jambes et lui couper
les oreilles. Je suis a ton entiere disposition pour ce travail de justicier.
Grosses bises de maman et moi.
papá

Rosana a dit…

Ne t'en fais pas, je m'en sors plutôt bien, mais si j'en ai besoin, je te prêterai mon déguisement de zorro. Merci, un beso.

Rosana a dit…

Quand j'y pense, je trouve qu'il est mignon mon papa !

ft a dit…

T'as de la chance, entre ton amie Zani et ton papa.

Rosana a dit…

@ft : je vois que tu suis, c'est bien, merci

F.TUL a dit…

Bon, là j'avoue, ça donne moins envie de venir bosser chez toi

Rosana a dit…

@ftul : je te l'avais dit